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L’indépendance et la responsabilité de la Banque centrale européenne

  • Faculté de Droit, d'Économie et de Finance (FDEF)
    Faculté des Sciences Humaines, des Sciences de l’Éducation et des Sciences Sociales (FHSE)
    Université / Administration centrale et Rectorat
    21 avril 2021
  • Catégorie
    Recherche, Université
  • Thème
    Droit, Sciences sociales

Le projet EMULEG est l’un des six nouveaux projets de recherche interdisciplinaires qui ont reçu un financement pluriannuel dans le cadre de l’instrument de financement Audacity de « Institute of Advances Studies » de l’Université de Luxembourg.

EMULEG, dirigé par la politologue Anna-Lena Högenauer et la juriste Joana Mendes, évalue le rôle de la Banque centrale européenne et la légitimité de ses politiques de crise.

Le rôle de la Banque centrale européenne (BCE) dans la politique monétaire et dans le droit et la politique de l’Union européenne (UE) a fondamentalement changé au cours de la dernière décennie. Tout comme la crise de la zone euro depuis 2009, les effets de la pandémie de COVID-19 ont à nouveau placé la BCE au premier plan des réponses économiques qui sont essentielles pour préserver la zone euro, et l’UE elle-même. “Si elle a jusqu’à présent été couronnée de succès, l’évolution de la BCE reste profondément problématique, tant en termes de légalité que de légitimité. Elle est confrontée à une énigme d’indépendance et de démocratie qui n’est toujours pas résolue”, déclare le professeur Mendes. 

Selon les traités de l’UE, la BCE jouit d’un haut degré d’indépendance politique. Ses décisions en matière de politique monétaire européenne ne peuvent être contrôlées par les gouvernements nationaux ou d’autres institutions européennes. En même temps, son champ d’action est théoriquement limité par un mandat défini dans les traités. La BCE doit donner la priorité à une inflation faible. Ce n’est que si cet objectif est atteint qu’elle peut chercher à poursuivre d’autres objectifs tels que la croissance économique. En outre, la BCE ne peut pas être un “prêteur en dernier ressort” (une personne vers laquelle les États membres peuvent se tourner lorsqu’ils ont un besoin urgent de fonds et ont épuisé toutes les autres options). 

Miner sa transparence

En fait, pendant la crise de la zone euro et, plus récemment, pendant la crise du COVID-19, la BCE a adopté de nouvelles politiques qui ont de plus en plus “étiré” son mandat et – sans doute – sont entrées en conflit avec les limites imposées par les traités. Grâce à ses vastes programmes d’achat d’obligations, la BCE a en effet assumé un rôle indirect de politique budgétaire, ce qui contredit potentiellement l’interdiction faite aux gouvernements par le traité de Maastricht d’emprunter de l’argent à la banque centrale pour financer les dépenses publiques. On peut également penser qu’elle est en contradiction avec les règles de non-renflouement qui garantissent que la responsabilité du remboursement de la dette publique reste nationale et empêchent les primes de risque causées par des politiques budgétaires inadéquates de se propager aux pays partenaires. En outre, la BCE n’a pas réussi à neutraliser totalement l’impact inflationniste de ses politiques à plusieurs reprises entre octobre 2010 et mai 2011. 

“Pendant la crise de la zone euro, les politiques monétaires non conventionnelles de la BCE ont nui à la transparence de sa politique monétaire en brouillant son mandat. En conséquence, de nombreux arguments qui avaient été utilisés pour soutenir la légitimité démocratique des politiques de la BCE sont devenus moins évidemment valables. Les idées d’indépendance légitime de la BCE, d’élaboration de politiques non distributives, de technocratie et de dépolitisation ont été mises à mal”, explique le professeur Högenauer.  

EMULEG propose de redéfinir le cadre institutionnel de l’Union économique et monétaire. Il analyse si l’indépendance de la BCE est trop élevée au vu de la polarisation croissante des opinions sur ses politiques et de l’importance grandissante de ses décisions, et s’il existe de meilleures alternatives pour rééquilibrer l’indépendance et la légitimité démocratique.

L’équipe de science politique dirigée par le professeur Högenauer étudiera comment la BCE et d’autres banques centrales communiquent avec le public, les parlements et les gouvernements dans la pratique et comment les règles juridiques se traduisent dans la réalité politique. L’équipe juridique, dirigée par le professeur Mendes, étudiera les règles formelles relatives à l’indépendance et à la responsabilité des banques centrales dans l’Union européenne et dans un certain nombre d’autres pays, ainsi que leur évolution dans le temps. Elle se penchera également sur le rôle des tribunaux dans le contrôle de la légalité des politiques des banques centrales. 

Le professeur Anna-Lena Högenauer, de la Faculté des Sciences Humaines, de l’Education et des Sciences Sociales, travaille sur l’examen parlementaire de l’élaboration des politiques de l’UE et sur les questions de légitimité et de démocratie. Elle a publié plusieurs articles sur la légitimité des politiques de crise de la BCE avec le professeur David Howarth (Université du Luxembourg), sur les perspectives allemande et française de la BCE et de l’union bancaire européenne et sur le contrôle parlementaire des banques centrales. 

Joana Mendes est professeur de droit comparé et administratif à la Faculté de Droit, d’Economie et de Finance. Ses recherches portent sur l’autorité publique dans l’UE, en examinant comment cette autorité est exercée, comment le droit structure substantiellement cet exercice, et le rôle relatif des organes administratifs et des tribunaux à cet égard.

Le projet EMULEG débute le 1er juin 2021. 

Plus d’informations sur le « Institute of Advances Studies »