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L’exposome : quand l’environnement agit sur la santé

  • Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB)
    Université / Administration centrale et Rectorat
    23 janvier 2020
  • Catégorie
    Recherche, Université
  • Thème
    Sciences de la vie & médecine

Science, une des revues scientifiques les plus prestigieuses, a récemment publié deux articles du professeur associé Emma Schymanski, récipiendaire d’une bourse FNR ATTRACT et responsable du groupe de recherche Environmental Cheminformatics au Luxembourg Centre for Systems Biomedicine de l’Université du Luxembourg. Une belle reconnaissance de la pertinence du thème sur lequel travaille son équipe : développer des méthodes pour identifier des composés chimiques inconnus et déterminer leur impact sur la santé.

Dans les deux articles publiés dans Science, le professeur Schymanski et ses co-auteurs présentent l’exposome, un concept récent cherchant à capturer la diversité des facteurs environnementaux qui peuvent nous affecter. Ils font également une synthèse des dernières avancées technologiques et des outils d’analyse permettant d’identifier les produits chimiques présent dans l’environnement et de comprendre leur impact.

La somme de tous les facteurs environnementaux

L’exposome est la somme de tous les facteurs environnementaux qui ont un rôle moteur dans notre état de santé : une combinaison de facteurs externes tels que les composés chimiques présents dans l’air, l’eau et les aliments, et des facteurs internes produits par l’organisme en réponse à divers stress. Il est difficile de cartographier entièrement cet ensemble complexe qui évolue en permanence, mais les auteurs du premiers article détaillent les récents progrès qui vont y aider. Le développement de la spectrométrie de masse à haute résolution par exemple, une technologie qui permet de détecter des dizaines de milliers de substances dans un échantillon. Associées aux bases de données, de plus en plus nombreuses, contenant des informations sur tous les produits chimiques connus, et à de puissants outils informatiques pour l’analyse de grandes quantités de données, ces nouvelles avancées technologiques pourraient révolutionner le suivi environnemental.1

Un réseau complexe de produits chimiques

Ce premier article met aussi en lumière l’importance de la notion de réseau pour décrire à la fois le grand nombre de produits chimiques auxquels nous sommes exposés quotidiennement, et la façon complexe dont ils interagissent avec nos cellules. C’est donc sur ce point que se concentre le deuxième papier publié par le professeur Schymanski. Il détaille différentes façons de caractériser des groupes de composés chimiques dans des échantillons d’eau, de sol ou de tissus biologiques, et d’identifier les mélanges qui présentent un risque. « Des techniques d’échantillonnage innovantes comme des lingettes ou des bracelets de silicone peuvent être utilisées pour mesurer l’exposition individuelle, » explique le professeur Schymanski. « Nous mentionnons aussi l’importance des analyses non-ciblées pour identifier les contaminants inconnus, et montrons le potentiel des tests 2 pour évaluer la toxicité de mélanges complexes, même lorsque les composés chimiques sont inconnus. »in-vitro

« Ces deux articles appellent à un effort de recherche comparable à ce qui a été fait pour le génome humain, afin d’obtenir des connaissances détaillées sur le cocktail de substances auquel nous sommes exposés et sur leurs interactions avec les organismes vivants, » souligne le professeur Schymanski.

Il reste encore de nombreux défis à relever : les bases de données doivent être harmonisées et rendues plus accessibles, les outils statistiques ont besoin d’être affinés pour tenir compte de la constellation de produits chimiques en provenance de sources connexes, et les méthodologies doivent être standardisées. Mais malgré ces difficultés, les perspectives sont immenses.

Étudier en détail les liens entre qualité de l’environnement et santé

Selon un récent rapport européen intitulé « L’environnement en Europe État et perspectives 2020 », nous faisons face à des défis environnementaux sans précédent. Le nombre de nouveaux produits chimiques est en augmentation, passant de 20 à 156 millions entre 2002 et 2019. Pesticides, produits chimiques industriels ou médicaments peuvent passer dans l’environnement, remonter la chaîne alimentaire, et entraîner effets indésirables et maladies. La recherche médicale estime que 9 millions de morts par an sont liées à la pollution. Tout cela met en lumière la nécessité de mener des travaux de recherche pour appréhender la complexité chimique de notre monde et élucider les multiples liens entre la qualité de l’environnement et la santé.

Tout comme les études génomiques à grande échelle ont permis de détecter de nombreuses variations génétiques liées à des maladies, la mise en place de larges études sur l’exposome, avec des centaines de milliers de participants, aiderait à identifier les facteurs de risque chimique les plus importants et à comprendre leur impact sur la santé de chacun. Cela permettrait d’établir des scores de risque environnemental pouvant être utilisés pour développer des stratégies de prévention et de traitement individuelles. « En plus de fournir des informations cruciales pour chaque patient, la recherche sur l’exposome appuiera aussi les changements nécessaires dans les règlementations actuelles, » souligne le professeur Schymanski. En aidant les agences de régulation à se concentrer sur les produits chimiques ayant les effets les plus délétères et à identifier les synergies toxiques, ces travaux vont permettre de minimiser l’impact sur notre santé et sur les écosystèmes dans lesquels nous vivons. Le professeur Rudi Balling, directeur du LCSB, conclut : « Grâce au professeur Schymanski, le Luxembourg est maintenant à l’avant-garde de ce champ de recherche à fort impact. Nous en sommes très fiers. »

Les deux articles publiés dans Science ont été rédigés en collaboration avec des co-auteurs issus de différentes institutions : les professeurs Vermeulen (Université d’Utrecht), Barabási (Université Northeastern, Harvard Medical School, Université d’Europe centrale), Miller (Université de Columbia), Escher (Helmholtz Centre for Environmental Research, Université Eberhard Karls de Tübingen) et Stapleton (Université Duke).

Bibliographie :

1The exposome and health: where chemistry meets biology

Roel Vermeulen, Emma L. Schymanski, Albert-Laszlo Barabási and Gary W. Miller

Science, January 2020

2Tracking Complex Mixtures of Chemicals in our Changing Environment

Beate I. Escher, Heather M. Stapleton, and Emma L. Schymanski

Science, January 2020

Soutenu par le Fonds National de la Recherche, Luxembourg (FNR).

© Photo: Science Relations